Monseigneur Francesco FOLLO, du Saint-Siège auprès de l’UNESCO invité à :

Disputatio entre Dalil BOUBAKEUR et François BOUSQUET : "Chrétiens et Musulmans ont-ils le même Dieu ?"

Cathédrale de Notre Dame de Rouen, le 2 juin 2007

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Dans le cadre de la disputatio organisée par S.E. Jean-Charles DECUBES, Evêque de Rouen, Monseigneur Francesco FOLLO s’est rendu à Rouen (France) pour participer au débat entre Dalil BOUBAKEUR et François BOUSQUET.

Une ambiance particulière règne dans la cathédrale : la présence du recteur de la grande mosquée de Paris, représentant un Islam tolérant et ouvert, à l’opposé du visage combattant, voire fanatique, que l’actualité nous offre trop souvent de cette religion ;

Chrétiens et Musulmans ne peuvent nier leurs racines communes, qui forment un socle sur lequel développer leurs arguments en faveur d’une réponse positive à la question posée, mais il y a, du fait de cette proximité même, un terreau plein de souvenirs susceptibles de réveiller de vieilles querelles et des rancœurs tenaces.

Musique soufie et chant grégorien accompagnent ce dialogue, suggérant tout le bien que l’on peut espérer de l’écoute de l’autre. Le père Bousquet remarque l’étrangeté de la formulation : est-ce que l’on peut avoir un Dieu ? Par définition, si l’homme peut posséder des idoles, il ne peut posséder un Dieu créateur et transcendant, et c’est bien ce Dieu-là qui s’adresse à Abraham dans la Bible comme dans le Coran. Dieu se révèle par la Parole et par des signes, Il appelle l’homme à le découvrir, à entrer dans un chemin de connaissance. Musulmans et chrétiens en sont d’accord, la foi est une histoire, une rencontre en devenir. Sur les modalités de la Révélation, leurs points de vue divergent, puisque l’Incarnation de ce Dieu unique et transcendant, qui est au cœur du christianisme, représente pour les Musulmans un risque de résurgence de polythéisme et une tentation d’idolâtrie de l’homme-dieu. Dieu n’a pas engendré, affirme le Coran. La figure de Jésus et celle de Marie n’en sont pas moins présentes et révérées dans l’Islam mais comme représentant des humains choisis par Dieu pour témoigner de sa présence dans l’humanité, non pour confondre les deux natures. La résurrection de Jésus n’est pas non plus admise par l’Islam, qui estime qu’il a été élevé au ciel et qu’un autre homme lui a été substitué. Allah, le Dieu suprême, se cache derrière ses 99 noms, le centième restant à découvrir. Ses noms sont une déclinaison de ses attributs : le Très-Puissant, l’Éternel, la Lumière, le Vivant et le Subsistant... De même, le Dieu qui se révèle à Moïse se déclare mystérieusement : Je suis Celui qui suis. Dans l’une et l’autre traditions, l’Innommable est au cœur des hommes, qui doivent chercher à surpasser leurs différences par leurs bonnes actions ; c’est alors que Dieu les éclairera sur ce qui faisait leurs divergences. En priant et en espérant ensemble, en faisant crédit à l’autre du plus haut et du meilleur de ce à quoi il croit, chrétiens et musulmans se placent dans l’amour du même Dieu.

Dalil Boubakeur est le fils de Si Hamza Boubakeur, ancien Recteur de la Mosquée de Paris. Il est titulaire d’un doctorat en médecine et du diplôme des Arts et des Lettres de l’Université d’El Azhar en Egypte. Depuis 1992, le docteur Boubakeur est Président de la Société des Habous et Lieux Saints de l’Islam et Recteur de l’Institut Musulman de la Mosquée de Paris. Aujourd’hui, Président du Conseil Français du Culte Musulman (CFCM), il en a été le premier président en 2003.

François Bousquet, prêtre du diocèse de Pontoise, docteur en théologie, en histoire des religions et en anthropologie religieuse, a été professeur à la faculté de théologie et de sciences religieuses de l’Institut Catholique de Paris et directeur de l’Institut de science et théologie des religions jusqu’à 2011. Il est actuellement recteur de Saint-Louis-des-Français à Rome. Le père François Bousquet est l’auteur de plusieurs ouvrages et de nombreuses contributions à diverses publications.

Pour information :
Les "Disputatio" ont lieu tous les ans au moment des fêtes Jeanne d’Arc, dans la cathédrale de Rouen. Cette manifestation, qui a commencé en mai 2004 renoue, à quelques huit siècles de distance, avec la pratique des disputes universitaires et des controverses publiques qui enchantèrent le Moyen-Age.

La disputatio était alors la forme propre de l’enseignement universitaire. Selon un processus complexe comportant plusieurs étapes, l’enseignant fixait la question à débattre, puis les étudiants discutaient et distribuaient leurs arguments en (un peu bizarre, ce « en ») pour et contre. Au terme du débat, l’enseignant résumait les arguments et déterminait (determinatio) la position qui, selon lui, était la plus rationnelle et la mieux argumentée.

Tous les ans à Rouen, c’est la forme publique et solennelle de la dispute que l’on ressuscite : la disputatio ordinaria. Deux rhéteurs, constituant une sorte d’équipe dialectique, s’affrontent en vue d’une meilleure compréhension des implications, des nuances et des conséquences du problème soulevé.