Du réalisme de Courbet à la nouvelle réalité de l’esclavage en Afrique selon Manet : Olympia

Edouard_Manet_Olympia, 1863. Paris, Musée d’Orsay

Dans l’exposition Le modele noir : de Géricault à Matisse, dans la salle centrale, le célèbre tableau d’Olympie, nœud sémantique du processus d’exposition, est exposé.
Voir article : https://assau.org/le-modele-noir-de-gericault-a

Ce que Manet ( 1832 - 1883) puise dans la conscience réaliste de Courbet (1819-1877) de sujets si corporels qu’ils veulent être capturés dans leur franchise authentique, fatigués, distraits, peints au point de leur langueur, de leur faible expression. Courbet ne voulait pas que ses sujets soient immortalisés dans les poses idéalisantes du passé ; au contraire, la peinture devait en témoigner fidèlement comme existences concrètes.
Manet redécouvre un lien dans l’écart créé entre le modèle, le fait de se donner à un tableau dans une pose et la réalité de son existence. Il semble que le regard habile de Manet ait été posé sur les toiles de Courbet, les comprenant jusqu’au bout de leur substance.
Ainsi, à deux pas de la toile, on ne peut s’empêcher de remarquer que cette peinture témoigne elle aussi d’une réalité qui a été, tout en remettant la pose en vogue, une idée compositionnelle et une allusion symbolique à laquelle la nudité de la femme conduit nécessairement. Mais ce qui distingue l’œuvre de Manet du réalisme de Courbet, c’est l’opposition entre la pose d’Olympia et le naturel dynamique du serviteur qui s’approche de la droite. Dans un mélange de peinture sombre, Manet utilise le nouancè du brun pastel à la terre brûlée de l’ombre et épaissit le souffle de la réalité dans l’expressivité solide et concrète de la femme noire, le regard bas et les lèvres serrées : c’est juste la conscience de sa condition. Manet leur donne respect et dignité. C’est ainsi, humainement, que Manet en 1863 est confronté au problème historique et social de l’esclavage, de sorte qu’il déclare la dichotomie entre l’oisiveté posée par Olympie et le prodigieux travail de la femme noire à ses côtés : elle semble être l’expression subtile de la contradiction qui existe entre la femme blanche, riche et attirante et le vécu, la souffrance, de la femme noire. A ce dernier, peint en arrière-plan, le peintre laisse toute la primauté du mouvement, de la vitalité.
Olympie, la nouvelle Vénus, est inanimée, à tel point qu’elle n’a aucune réaction - sans même s’en rendre compte - à la flexion de l’autre à ses côtés : le riche bouquet de fleurs, semblable à une cornucopée, qui tient la femme noire dans sa main n’est que le symbole d’une fertilité que le peintre place dans les mains qui, en silence, remplissent leur service.

Article rédigé par Dr Elena DE PANFILIS