Intervention de Mgr Lorenzo Antonetti, chef de délégation, durant le débat de politique générale

Les déclinaisons du respect : Mgr Lorenzo Antonetti à la 25e session de la Conférence Générale de l’UNESCO

Maison de l’UNESCO, 20 octobre 1989

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Monsieur le Président, Excellences, Mesdames, Messieurs, la délégation du Saint-Siège est particulièrement heureuse d’être présente à cette vingt-cinquième session de la Conférence générale car celle-ci marque, spécialement avec l’adoption du prochain plan à moyen terme (1990-1995), le moment où l’UNESCO, après avoir surmonté maintes difficultés et remous, réalise de notables progrès grâce, d’une part, aux efforts du Directeur général, du Secrétariat et du Conseil exécutif et , d’autre part, à une coopération accrue des États membres et des délégations permanentes accréditées auprès de l’UNESCO.

Il faut, tout d’abord apprécier tout ce qui a été fait en vue d’alléger le programme sans qu’il soit pour autant porté atteinte à la nécessaire fidélité de l’UNESCO à son Acte constitutif. On pourrait même dire qu’il est ainsi mieux répondu à cette exigence. Il faut apprécier aussi la meilleure définition des rapports de l’UNESCO avec les autres institutions spécialisées du système des Nations Unies, ainsi qu’avec les organisations gouvernementales internationales et régionales, ce qui devrait favoriser une collaboration, plus fructueuse et éviter les doubles emplois. Grâce à ces progrès, on a tout lieu d’espérer que seront mieux reconnues, tant par l’opinion publique que par les gouvernements, la spécificité, la qualité et l’opportunité de l’œuvre que poursuit l’UNESCO. Œuvre à laquelle le Saint-Siège a apporté son soutien dès la création de l’UNESCO, du fait de si nombreuses vues et visées qu’il partage avec l’organisation.

Définissant mieux son programme et son mode d’action, l’UNESCO, ainsi que l’a maintes fois souligné le Directeur général, entend surtout jouer un rôle de catalyseur. Elle ne prétend aucunement se substituer aux actions qui incombent à d’autres instances, qu’il s’agisse des États ou des organisation non gouvernementales. Mais il est de sa compétence de les stimuler, de contribuer à les rendre plus efficaces et de favoriser les collaborations au plan international et régional.

La délégation du Saint-Siège note avec satisfaction la place faite dans le futur programme à des projets et des actions qui, quoique parfois à un degré encore insuffisant, visent le respect de l’homme et de la création à laquelle il est intimement lié, même si l’on a trop tardé à le reconnaître pleinement. Respect auquel aujourd’hui sont portées de graves atteintes.

Respect de la vie humaine à tous ses stades : de son début, la conception, jusqu’à son terme, la mort.

Respect des droits fondamentaux de l’homme et des peuples. En ce qui concerne les droits de l’homme, nous voudrions insister sur deux points :
– respect des convictions et notamment de la liberté religieuse, qui ne saurait être purement formelle et qui implique la liberté d’expression de la foi et des pratiques religieuses ;
–respect de la conscience et du corps de l’homme, qui exige une condamnation absolue de la torture, hélas encore si fréquente, qui est la honte de l’humanité, surtout d’une humanité qui se dit civilisée. Ajoutons que certains de ceux qui la pratiquent ont approuvé la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948.

En ce qui concerne les peuples, respect non seulement des droits des nations, mais aussi des minorités –culturelles, ethniques, religieuses– qui, souvent d’ailleurs, forment des groupes importants. Le Pape Jean-Paul II a consacré, vous le savez, son message pour la journée de la paix de cette année 1989, aux droits de ces minorités, au respect de leur caractère propre et aux discriminations de divers types dont elles sont souvent l’objet, sans omettre de mentionner les devoirs des minorités et de souligner les exigences de la sauvegarde de l’union nationale.

Respect de la création, qui se fonde non pas sur on ne sait quel « romantisme » mais sur le fait que la création est l’œuvre de Dieu, avec toute sa richesse et sa variété. Aussi, en plus du respect de l’homme et des peuples, s’impose le respect de la nature. Sous l’expression « protection de l’environnement », on a vu se manifester récemment, de façon beaucoup plus vive que dans les dernières décennies, de graves inquiétudes au sujet des dommages –dont certains sont irrémédiables– que l’homme fait subir à la nature et qui risquent d’affecter l’existence et les conditions de vie de l’homme lui-même.

Ces problèmes si préoccupants relèvent pour une large part de la compétence de l’UNESCO parce que leur solution, ou du moins leur remède, appelle –ce qui n’est pas encore suffisamment reconnu– des études scientifiques approfondies, celles-là mêmes qui sont prévues dans les programmes de l’UNESCO. C’est le cas principalement du programme « l’homme et la biosphère », expression d’ailleurs plus exacte que celle d’environnement. Il faudrait citer aussi d’autres programmes scientifiques de l’UNESCO, en particulier l’action de la Commission océanographique intergouvernementale dans la lutte contre la pollution des mers et le programme hydrologique international. Ce sont là autant de questions dont est mieux reconnue aujourd’hui la dimension planétaire, l’UNESCO œuvrant en ce domaine avec plusieurs autres organisations internationales, notamment le programme des Nations Unies pour l’environnement. Peut-être ne mesure-t-on pas encore assez la gravité sans cesse accrue de ces problèmes du fait de l’extension des industries et des moyens de transport et aussi de pratiques agricoles plus rentables mais souvent dommageables pour l’environnement.

Monsieur le Président, Excellences, Mesdames, Messieurs, permettez-moi en conclusion de formuler au nom de la délégation du Saint-Siège, le souhait que l’UNESCO soit de plus en plus elle-même. J’entends par là que, tout en demeurant, de par sa nature même, une instance constituée par une réunion d’États –presque tous présents, hors de rares et regrettables exceptions– l’UNESCO sauvegarde sa vocation à l’Universalité, qui s’exprime tout particulièrement par son association sans cesse plus étroite avec l’action des organisation non gouvernementales. L’UNESCO est avant tout au service de la communauté internationale. Sans doute nombre de programmes ou d’actions visent telle nation ou tel groupe limité d’États. Mais, outre que ces actions sont bien souvent des projets pilotes qui se veulent exemplaires, l’UNESCO ne saurait être au service d’intérêts particuliers.

D’ailleurs, ces actions s’inscrivent dans la perspective de plus en plus évidente de l’interdépendance des nations. Interdépendance qui appelle, ainsi que l’a si fortement exprimé Jean-Paul II dans son encyclique Sollicitudo rei socialis, une étroite solidarité. L’écart actuel entre pays riches et pays pauvres est de moins en moins supportable ; or, il continue de s’élargir. Au nom de la solidarité, il devient impératif que les pays qui ont plus donnent davantage à ceux qui ont moins ; il devient impératif que les plus fortunés œuvrent pour diminuer cet écart, même au prix, s’il le faut, de notables sacrifices. Au nom de la solidarité, il faut que les intérêts de tous priment sur les intérêts particuliers. L’UNESCO peut beaucoup apporter dans ce sens. C’est l’un des plus grands services qu’elle peut rendre à la communauté internationale.

Je vous remercie, Monsieur le Président.

Pour consulter les résolutions de la 25e Conférence Générale :
http://unesdoc.unesco.org/images/0008/000846/084696f.pdf