Intervention de Mgr Francesco Follo

Respect de la culture et de la vie de l’homme : Mgr Francesco Follo à la 179e session du Conseil Exécutif de l’UNESCO

Maison de l’UNESCO, en avril 2008

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À l’occasion de la 179e réunion du Conseil Exécutif de l’UNESCO, Mgr Francesco Follo s’est exprimé quant au respect de la culture et de la vie de l’homme. Voici son discours :

À propos du point 8 : Rapport du Directeur Général sur l’avancement des activités commémoratives et l’examen de la mise en œuvre du plan d’action de l’UNESCO pour la célébration du 60e anniversaire de la déclaration universelle des droits de l’homme.

« Monsieur le Président,

Le 7 janvier 2008, le Pape Benoit XVI a rendu un rendu un vibrant hommage au Corps Diplomatique accrédité auprès du Saint Siège par les mots suivants :

« Notre société a justement enchâssé la grandeur et la dignité de la personne humaine dans diverses déclarations des droits, qui ont été formulées à partir de la Déclaration universelle des droits de l’homme, adoptée il y a juste soixante ans. Cet acte solennel fut, selon l’expression du Pape Paul VI, l’un des plus grands titres de gloire des Nations unies. Dans tous les continents, l’Église catholique s’engage afin que les droits de l’homme soient non seulement proclamés, mais appliqués. Il faut souhaiter que les organismes créés pour la défense et la promotion des droits de l’homme consacrent toutes leurs énergies à cette tâche et, en particulier, que le Conseil des droits de l’homme sache répondre aux attentes suscitées par sa création. Le Saint-Siège, pour sa part, ne se lassera pas de réaffirmer ces principes et ces droits fondés sur ce qui est permanent et essentiel à la personne humaine. C’est un service que l’Eglise désire rendre à la véritable dignité de l’homme, créé à l’image de Dieu » (nn 10 et 11).

Dans ce cadre, et dans l’élan de la 38e résolution de la 34e conférence générale, le Saint-Siège soutient le Plan d’action entrepris par l’UNESCO pour commémorer le 60e anniversaire de la déclaration des droits de l’homme, au niveau des droits qui sont particulièrement de la compétence de l’Unesco.

Dans mon propos d’aujourd’hui, je voudrais apporter mon soutien à cette action en faisant une réflexion sur des questions qui se posent dans deux types de droits qui me semblent plus particulièrement importants et significatifs pour l’UNESCO : Il s’agit
• des droits culturels et de la définition même de ces droits culturels d’une part
• et, d’autre part, du problème du conflit entre le développement des sciences et des techniques qui semble lié au droit de l’homme au développement et les exigences du respect de la nature, de la vie, de la personne et des cultures.

Pour ce qui concerne les droits culturels et leur définition, les articles de la Déclaration de 1948 qui nous intéressent particulièrement sont l’article 18 sur le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; l’article 19 sur la liberté d’opinion et d’expression ; l’article 22 sur les droits culturels indispensables à la dignité de la personne ; l’article 26 sur le droit à l’éducation et l’article 27 sur le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté.

Il est remarquable qu’à l’article 22, la déclaration contienne déjà l’expression “droits culturels”, donc la question qu’il convient aujourd’hui d’approfondir pour avancer dans la compréhension des droits fondamentaux et progresser dans la justice et dans la paix est celle de l’articulation entre le droit à la culture et le droit à la diversité des cultures. Le droit à la culture est le droit à l’éducation, à la formation et à une vie culturelle, le droit d’accéder aux moyens d’expression et de jouir de la liberté dans ce domaine. Le droit à la diversité ces cultures est le droit de voir respectées par tous les différences culturelles, donc de voir respectée sa différence en même temps que celle des autres.
À l’articulation des deux se trouve précisément la culture particulière propre à la personne. Même si l’éducation est en vue d’une culture générale, elle n’est possible pour chaque personne que dans et à partir d’une culture particulière. Cette culture particulière et première ne peut pas être pour la personne une culture parmi d’autres dans un patrimoine commun. Elle n’est pas un bien culturel dont il est possible de se séparer pour en rechercher un autre. Il n’y a pour elle de biens culturels possibles qu’à partir de la culture première. Celle-ci est à l’individu comme son corps propre. Il n’a pas la liberté de s’en séparer mais seulement de l’assumer. Il en va de même de la langue maternelle. C’est à partir d’elle qu’il peut s’ouvrir à d’autres cultures.
Le droit culturel fondamental n’est pas le droit à la culture en général ni un droit à la diversité culturelle, mais le droit de toute personne à être et à agir avec le corps, avec la culture, avec la langue qui lui sont donnés au départ.

J’en viens à mon deuxième point qui concerne les droits du respect de la nature, de la vie et de la personne. À cet égard, il est intéressant de remarquer que l’on cherche à tirer parti des ressources de pensée et de sagesse que recèlent les différentes cultures. On cherchera par exemple à mieux comprendre ce qu’il en est du respect de la nature, de la vie et de la personne non seulement en considérant comment certaines cultures vivent en équilibre remarquable avec la nature et avec les autres êtres vivants, mais en vérifiant qu’une réelle exigence en ce sens existe dans toutes les cultures. Il est important aussi de noter que si le droit à la culture et au développement peut sembler contraire au respect de la nature et de la vie, le souci de protéger les cultures est apparu en même temps que le souci de protéger la nature et la vie. Le sens général est assez clair : le respect des droits de l’homme ne peut aller sans le respect de ce que présuppose l’existence de la personne à savoir la nature, la vie et la culture particulière qui est la sienne. Ce qui est présupposé ainsi, ce ne sont pas des biens appartenant à la personne considérée individuellement, ce sont des conditions de la personne considérée dans son humanité. C’est en tant qu’humaine et non en tant qu’individuelle qu’une personne a droit à un environnement sain et naturel, à la vie et à sa culture. Il n’y a pas de droit de la nature en tant que nature, ni de la vie en tant que vie ni même de la personne en tant que personne. La personne n’a de droit qu’en tant qu’humaine.

En conclusion.
Que les droits de l’homme aient été déclarés à plusieurs reprises et dans des circonstances historiques très diverses ne signifie pas qu’une réflexion à leur sujet et un réexamen des énoncés les plus communément admis ne soient pas constamment indispensables au progrès de la justice et de la paix dans le monde. Nous avons essayé rapidement de montrer

  1. qu’entre droit à la culture et droit à la diversité culturelle, la question des droits culturels de la personne humaine avait encore besoin d’approfondissement ;
  2. que l’affirmation récente d’un droit à la protection de la nature, de la vie et des cultures exigeait elle aussi un examen dans la mesure où elle semblait s’opposer à celle d’un droit au développement qui sous-tend la compréhension plus classique des droits de l’homme.

C’est pourquoi, le Saint-Siège encourage l’UNESCO à ouvrir un chantier de réflexion pour approfondir les quelques remarques proposées ci-dessus et à en tirer les conséquences au niveau des politiques dans les années à venir. Il apparaît déjà que des problèmes philosophiques très importants sont en jeu, celui du sujet titulaire des droits, celui de la nature même du droit (liberté, propriété du sujet, condition d’être du sujet). À travers ces questions, c’est la compréhension même que l’être humain a de lui-même qui doit encore s’approfondir, et notamment aujourd’hui le sens qu’il a du rapport entre la personne humaine individuelle et l’humanité tout entière dont l’unité et la solidarité de fait sont de plus en plus manifestes aujourd’hui.

À propos de telles questions, le Christianisme, par le sens qu’il a de l’incarnation, de la valeur de la personne individuelle et d’une destinée commune est une source de lumière.
Pour l’Église catholique, le fondement de la tutelle des droits de l’homme consiste donc dans la reconnaissance et dans le respect de Dieu. En réfléchissant sur la tragédie de l’Holocauste, Jean-Paul II déclara que « seule une idéologie sans Dieu pouvait programmer et mener à terme l’extermination d’un peuple entier » (Jean-Paul II, Discours au Mausolée de Yad Vashem, Jérusalem, 23 mars 2000). En d’autre termes si l’on dissocie Dieu des droits de l’homme, leur base s’écroule et ceux-ci peuvent être manipulés et idéologisés, jusqu’à en devenir stériles. Le danger actuellement le plus évident est en effet celui de confondre le concept de droit de l’homme avec une prétention individuelle quelconque et de l’identifier avec celui de besoin humain ou même de pulsion humaine, sans aucune considération sociale et surtout sans aucune évaluation de type éthique.

Enfin, la déclaration des droits de l’homme est si importante aux yeux du Saint-Siège que le conseil Pontifical « Justice et Paix » va lui aussi en commémorer le 60e anniversaire cette année à Rome.
Merci de votre attention. »

Pour consulter les décisions du 179e Conseil Exécutif :
http://unesdoc.unesco.org/images/0015/001597/159780f.pdf#page=13