Intervention de Mgr Francesco Follo, chef de délégation, durant le débat de politique générale

Une éthique de la solidarité : Mgr Francesco Follo à la 32e session de la Conférence Générale de l’UNESCO

Maison de l’UNESCO, le 3 octobre 2003

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Lors de la 32e session de la Conférence Générale, Mgr Francesco Follo a prononcé un discours témoignant de la sollicitude du Saint-Siège dans le domaine du respect de l’être humain, celui de l’éducation des peuples et celui de la promotion de la paix. Voici le texte de son allocution :

« Monsieur le Président de la Conférence générale,
Madame la Présidente du Conseil exécutif,
Monsieur le Directeur général,
Excellences,

Permettez-moi tout d’abord de vous transmettre les salutations cordiales de Sa Sainteté le Pape Jean-Paul II, qui suit avec une grande attention les événements du monde et les travaux de la communauté internationale, se réjouissant de la réflexion qui est faite sur l’avenir de l’humanité par les Responsables des Nations et leurs représentants dans les Organisations internationales. Le monde actuel est porteur de grandes espérances mais aussi d’interrogations inquiétantes. La mondialisation des différents secteurs d’activité peut engendrer un mieux-être pour les populations des pays les moins favorisés, mais elle peut aussi les rendre plus fragiles et plus dépendants des pays riches, hypothéquant gravement leur développement. Pour apporter la contribution du Saint-Siège à la présente Conférence générale, permettez-moi d’évoquer trois points qui me semblent essentiels et sur lesquels les différents partenaires de la société civile sont appelés à travailler, dans une collaboration toujours plus étroite.

Tout d’abord, le respect dû à tout être humain. C’est l’élément central de la construction d’une société quelle qu’elle soit. De nombreuses questions éthiques et bioéthiques sont actuellement en discussion : les différents aspects du clonage, notamment le clonage thérapeutique, les liens conjugaux entre hommes et femmes, la famille, les relations économiques entre pays et continents. Le Saint-Siège souhaite rappeler que toute réflexion doit mettre au centre l’homme, l’inaliénable dignité de son être biologique et spirituel, le caractère sacré de sa vie, la valeur du lien conjugal et familial. Il est clair que si l’on fait abstraction de la valeur première de l’homme, les décisions prises ne pourront qu’aller contre l’homme et contre l’humanité. Ne pas tenir compte du lien conjugal, qui est le lien primordial de la cellule de base de la société, conduit inévitablement à rendre caduques les différents liens sociaux. Ne pas reconnaître le caractère sacré de la vie entraîne inexorablement à faire de l’homme et de son patrimoine génétique un simple matériau d’expérimentation, qui peut être mis à profit par des idéologies dans des intentions destructrices. Il faut notamment affirmer que les thérapies géniques qui utilisent des cellules-souches embryonnaires sont destructrices d’êtres humains fragiles et font courir des risques graves à l’humanité. Le dicton bien connu La fin ne justifie pas les moyens nous rappelle largement que toute démarche éthique doit associer dans une réflexion les finalités d’une démarche et les moyens pour y parvenir. En même temps, il importe d’aider les scientifiques et les chercheurs à trouver des voies dignes de l’homme.

L’éducation est aussi un aspect important pour l’avenir de la société, auquel il convient de porter une grande attention. Il ne s’agit pas seulement de l’enseignement, dont je ne saurais, bien sûr, nier l’importance, car il participe largement au développement des personnes et à leur intégration dans la société, ainsi qu’au développement des peuples. Mais il importe de situer la formation culturelle et professionnelle dans le cadre plus large d’une éducation intégrale de la personne, pour le plein épanouissement de tout l’être et de tout être, pour sa vie personnelle et pour sa place de citoyen dans la cité. Dans cette perspective, toute société doit être attentive à l’aspect spirituel et moral, en revalorisant l’élément transcendantal, comme le souligne le rapport de la Commission internationale sur l’éducation de 1996, L’éducation, un trésor est caché dedans. La référence religieuse dans la formation culturelle, et plus encore l’ouverture à la transcendance et la liberté laissée à la vie et à la pratique religieuses, sont des aspects qui permettent à chaque être, et notamment aux jeunes, de fonder leur existence sur des valeurs autres que purement matérialistes et d’endiguer les nombreux phénomènes de violence dont nous sommes tous témoins. Il nous faut affirmer que la vie spirituelle est fondamentale pour tout être humain. Dans ce domaine, le droit des familles et son statut propres sont à respecter, car les parents, premiers éducateurs de leurs enfants, sont appelés à leur transmettre leur patrimoine culturel et spirituel, et à ouvrir les jeunes à la dimension transcendantale de l’existence. Vous comprendrez donc que la question religieuse au sens large ne peut être simplement reléguée dans la sphère privée, car elle engage l’avenir de l’homme, de la société avec ses valeurs et ses comportements éthiques.

Dans la vie internationale, nous sommes tous attentifs à la question de la paix, sans laquelle il n’est pas possible de constituer un ordre mondial respectueux de l’homme. Les tensions et les conflits sur tous les continents ne cessent de faire des victimes. Les plans de paix sont sans cesse remis en question et n’aboutissent pas à des solutions concrètes. Les tentatives d’édifier des sociétés plus démocratiques conduisent parfois à l’éviction, voire à la mort, de leurs promoteurs. La pauvreté, les maladies endémiques, la violence, sont autant de questions qui interrogent la communauté internationale et sur lesquelles il convient de réfléchir sans cesse, afin de trouver des solutions adaptées qui permettent à nos contemporains d’entrevoir un avenir meilleur et, de ce fait, de consentir à l’espérance. Il revient à la communauté internationale de s’engager toujours plus avant dans la construction de la paix, qui est sans doute un des plus grands défis du siècle qui commence. Elle doit aussi faire tout ce qui est en son pouvoir pour que tout peuple puisse avoir une terre et une autonomie d’existence et de conduite dans les affaires intérieures, et que les habitants d’une nation soient les premiers bénéficiaires des richesses que compte le pays. On ne pourra établir la paix civile et sociale sur un territoire tant que trop d’intérêts étrangers empêcheront les habitants du pays d’avoir part au développement local et profiteront indûment du bien d’autrui. Pour remettre la terre entre les mains de ceux qui y vivent, il revient à la Communauté internationale, aux Responsables des nations et aux Organisations internationales, dans le respect des règles internationales, de s’engager toujours plus dans la formation intégrale des autochtones, pour qu’ils soient en mesure de prendre en main les destinées de leur pays. C’est une éthique de la solidarité à laquelle personne ne peut plus se soustraire.

Au terme de mon intervention, je voudrais dire ma joie et la joie du Saint-Siège de l’arrivée du Timor Leste et de voir les États-Unis d’Amérique de nouveau au sein de l’UNESCO comme délégation à part entière. Nos travaux en tireront de grands bénéfices, les États-Unis en seront aussi bénéficiaires.
Je vous remercie de votre aimable attention. »

Pour consulter les actes de la 32e Conférence Générale de l’UNESCO :
http://unesdoc.unesco.org/images/0013/001331/133171f.pdf