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Cardinal Roger Etchégaray : hommage à un champion de recherche de paix par le dialogue

Retour sur l’UNESCO Prix pour la Paix Houphouët-Boigny 2004

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Les Amis du Saint-Siège auprès de l’UNESCO rendent cet hommage au Cardinal Roger Etchégaray qui vient de nous quitter en ce 4 septembre 2019. Parmi toutes ses qualités et innombrables services rendus à l’Eglise catholique et aussi à la communauté internationale, il a su créer des conditions reconnues par l’UNESCO qui a attribué le prix pour la recherche de la Paix Houphouët-Boigny en 2004 à ce Cardinal qui a bâti des ponts entre les peuples par le dialogue.

Proche du Pape Jean-Paul II, créé cardinal lors du consistoire du 30 juin 1979, le pape Jean-Paul II l’appelle à ses côtés le 8 avril 1984 pour le nommer Président du Conseil Pontifical Justice et Paix (poste occupé jusqu’au 24 juin 1998) et Président du Conseil Pontifical Cor Unum (jusqu’au 2 décembre 1995).

Pendant toutes ces années, le cardinal Roger Etchegaray a rendu un service inlassable en faveur de la paix, des droits de l’homme et des besoins des plus pauvres, apportant le message et la charité du Pape à de nombreux pays du monde.

Vous trouverez ci-joint un retour sur les raisons de la remise du prix
https://assau.org/le-grand-mufti-de-bosnie
et sur la cérémonie elle-même
https://assau.org/remise-du-prix-felix-houphouet

Nous trerminons cette hommage avec les mot du Cardial Etchégaray , lui-même, lors de la remise de ce prix prestigieux :
"Partageant ce Prix avec un autre homme religieux, je voudrais témoigner, cher Docteur Mustafa, de ce que j’ai vécu à Sarajevo en octobre 1993 au cours d’une sorte de « triduum » : le vendredi à la Mosquée Bégova, le samedi à la Synagogue sépharade, le dimanche aux deux cathédrales orthodoxe et catholique, pour implorer ensemble (juifs, chrétiens, musulmans) la paix, don de Dieu. J’ai senti passer alors, comme au matin du monde, la brise divine qui a caressé les croyants, les a réveillés, les a aidés à se donner fraternellement la main. Mais bien fragile demeure la paix en Bosnie : la reconstruction, grâce à l’UNESCO, du vieux Pont de Mostar (Stari Most), réouvert il y a deux mois, ne suffit pas malgré sa force symbolique à rapprocher deux peuples dont les rives de l’esprit demeurent encore éloignées l’une de l’autre.
Au mont Sinaï d’où je reviens, j’ai pu voir un minaret dressé à l’intérieur même du monastère Sainte-Catherine où des moines perpétuent l’alliance de Dieu avec les hommes, dont Moïse fut le messager. Je pense souvent à Jérusalem, ce lieu unique et universel à la fois, où « tout homme est né », comme le chante un psaume. La descendance d’Abraham est de nature éthique plus encore que biologique. La paix en Terre Sainte est le test d’une paix vraie et durable, non seulement au Proche-Orient, mais sur toutes les terres du monde. La communauté internationale est-elle assez sur le qui-vive, pour aider coûte que coûte deux peuples, israélien et palestinien, à vivre ensemble dans une justice et une sécurité qui, si elles ne sont pas égales pour tous, ne sont ni justice, ni sécurité pour personne ? Certes, la paix ne jaillit pas automatiquement au bout d’une hymne de Védas hindous, d’un sermon de Bouddha, d’une sentence de Lao-Tseu, d’une sourate du Coran, d’un verset de la Torah ou de l’Évangile, mais toute religion puise dans ses écrits fondateurs les motivations et les énergies les plus pures en faveur de la paix. Aucune religion ne peut sans blasphémer Dieu le capter, voire le capturer pour le mettre dans son camp contre un autre, encore moins aujourd’hui où s’élèvent d’intolérables et dangereux extrémismes qui livrent l’homme à la peur la plus terrible, celle qui l’animalise. Je mesure l’ampleur et la complexité de la tâche des hommes et des femmes responsables politiques, très nombreux ce soir parmi nous, des communautés nationales et internationales : ils avancent à califourchon sur une ligne de crête vers la paix qui implique de ses protagonistes un engagement d’autant plus obstiné et courageux que, ne l’oublions pas, la première page de la Bible, avec le récit de Caïn et d’Abel révèle notre pedigree : nous sommes tous les descendants d’un criminel fratricide. Nous nous sentons tout petits devant le mystère de l’homme. Car, après
avoir fait ce que nous pensons devoir faire pour la paix, nous nous heurtons à l’impondérable le plus secret, celui de la conscience : on l’a rappelé, même Dieu ne peut rien contre la conscience d’un homme qu’il a créé libre. En définitive, c’est la conscience qui a le dernier mot, elle est plus forte que toutes les idéologies, toutes les stratégies, et même toutes les religions.
Le préambule de l’Acte constitutif de l’UNESCO proclame : « Les guerres prennent naissance dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix. » La barre est placée très haut, mais celui qui nous demande de la sauter n’est pas un dieu de l’Olympe mais le Dieu qui a fait l’homme à sa ressemblance. Les conflits actuels sont plus identitaires que frontaliers. Et cet homme titubant, qui doute de lui-même, n’est-il pas aussi chacun de nous ? Comment, dès lors, pouvons-nous être artisans de paix, si nous avons peur d’habiter le futur, notre demeure ancestrale ? J’étais à Hiroshima le 6 août 1970. Ce jour-là, exactement 25 ans après, au « Peace Memorial Park », j’ai vu jusqu’où peut aller la destruction de l’homme, j’ai surtout compris d’où vient la foi indestructible en l’homme.
Je m’arrête pour de bon. Vous connaissez Le droit d’être un homme, cette admirable
anthologie de mille et une citations qui parlent de l’homme de tous les temps, de toutes les cultures et de toutes les religions, en quête de liberté et de paix. Dans ce livre, édité par l’UNESCO il y a exactement 20 ans, René Maheu, son Directeur d’alors, ponctuait sa préface par ces paroles : « Si grands qu’aient été les efforts déployés, les progrès accomplis, si héroïques les sacrifices innombrables, le prix de l’homme libre n’a pas encore été payé par l’homme, ni même défini à sa juste valeur. La tâche immémoriale de l’homme demeure. En ce moment même, des
millions d’être humains, nos semblables, accablés ou révoltés, nous attendent, toi et moi ».
Vous et moi